L'origine de la conscience dans l'effondrement de la pensee bicamerale

Par Julian Jaynes, 1974

résumé par alcidejet

 

Introduction :


La conscience, comme propriété de la matière

Toute choses ayant une réalité physique...

ex : la craie ne prend conscience d'elle-même que lorsqu'elle rencontre le tableau sur lequel on écrit

C'est par notre existence grâce aux autre que l'on est et que l'on a conscience d'être.

Théorie dépassée par les mathématiques et la physique

La conscience, comme propriété du protoplasme

cad : si il y a de la « vie » (le protoplasme en est l'image : cellule vivante de base) alors on peut parler de conscience...

Issue en partie des travaux de Darwin

Limite : on prête souvent conscience à un animal par exemple. Un verre coupé en 2 gigotant souffre si on lui prête cette conscience « humaine ».

La conscience, résultante de l'apprentissage

La conscience ne survient qu'après une évolution, fruit de l'expérience. Jaynes s'est rendu compte par des expérience en laboratoire que c'était faux pour les végétaux et même les animaux.

Les spécialistes n 'auraient définirent l'association de la conscience et de l'apprentissage que par un précepte vague : l'expérience.

Conscience et apprentissage sont manifestement différents et ne sont pas apparus ensembles.

 

La conscience, comme une imposition métaphysique

La singularité de l'Homme, différent de toute autre espèce, ne permet de se satisfaire de la théorie de Darwin (évolution des espèces)

Pour les métaphysiciens, cette différence d'avec le singe ne peut pas s'expliquer par la simple évolution naturelle ou de la mutation des cellules. Il y a donc un « ajout extérieur » à ces théories.

En désaccord avec Darwin, Walace pense donc que l'évolution a été dirigée par une force métaphysique quelconque en 3 points :

  • le début de la vie

  • le début de la conscience

  • le début de la culture


La théorie du spectateur sans défense

Une science plus matérialiste affirme que la conscience n'est l'apanage que d'êtres vivants qui ont un système nerveux et qui répondent à des stimuli comme des spectateurs sans défense face aux événements cosmiques.

La conscience, simple reflet ou manifestation du corps, temple de l'identité.

Si la conscience est un fantôme quasi impuissant de l'action, alors pourquoi est-elle si intense dans un moment d'hésitation ? Et pourquoi sommes-nous moins conscient lors d'actions habituelles ? Toute théorie sur la conscience DEVRAIT l'expliquer !

 

Évolution émergente

C'est la théorie qui a sue naître de toutes les précédentes. (Lloy Mongan dans Emergent evolution, 1923)

La conscience se définit par les règles qui régissent ses composantes. L'évolution amène tout un tas de nouvelles données physiques, d'apprentissage, de cohésion, etc... ainsi à chaque nouveau niveau d'évolution correspond un niveau de conscience propre.

Si la conscience émerge dans l'évolution, cette théorie ne permet de répondre quand ? Avec quel système nerveux ? ... ?

C'est alors que la psychologie va tenter de résoudre le problème, et le meilleur moyen pourrait être nier l'existence même de la conscience.

Béhaviorisme (~ comportementalsime)

L'idée que la conscience n'existe pas a influencé la psychologie du XXème siècle

Cette idée permit non seulement à la psychologie de se démarquer de la philosophie, mais aussi de devenir LA référence. La philosophie devint alors du passé.

Les universitaires firent le ménage dans la psychologie avec cette nouvelle idée mais au final n'arrivèrent pas à accepter de n'être pas « conscients »

On écrivit, on débâti et on enseigna beaucoup pour que passe la pillule.

 

La conscience serait : le système d'activation réticulaire (~ réseau)

On a mis des mots et des théories en place : la pensée était un neurone particulier, les sentiments était un certain neurotransmetteur, et on philosophe sur tout ça pour oublier que si un être est conscient, la réponse ne peut que se trouver qu'en lui, elle est là, dans l'être que l'on voit.

Les capacités techniques de la recherche ont permis de définir que la formation réticulaire, partant de la colonne vertébrale, passant par le thalamus et l'hypothalamus agissant comme un système de communication avec les sens et les moteurs du corps, auraient pour fonction de sensibiliser ou « éveiller » des circuits nerveux et en désensibiliser d'autres.

On l'appellerait « le cerveau de l'éveil » (« the waking brain »)


C'est le lieu d'action de l'anesthésie qui désactivent certains réseaux mettant dans un sommeil permanent ou un coma. On peut aussi stimulé le réveil par des électrodes sur de petits animaux, faisant croire à une impulsion venant du cerveau.


Ce réseau, qui fait le lien entre le strictement sensoriel et le système moteur de la neurologie, semble être la réponse tant cherchée à tout ce problème.

Nous ne pourrons JAMAIS découvrir si dans un cerveau se cache une conscience. Nous devons commencer par trouver ce qu'est la conscience, ce qu'est l'introspection.

Commençons par voir ce qui n'est pas ...

 

LIVRE I

L'ESPRIT DE L'HOMME

Chapitre I

La conscience de la conscience

La conscience de la conscience n'est pas : être conscient.
Cette sensation ne serait qu'une somme d'idées erronées que nous prenons pour réponse à ce que serait le conscience

L'étendue de la conscience

Fausses définitions :

Prendre conscience suite à un coup est en fait perdre conscience et réactivité, à l'inverse du somnambule.

La réactivité couvre tout ce qui stimule le comportement et la conscience est un phénomène bien moins omniprésent.
Nous ne sommes conscients de ce à quoi nous réagissons que de temps en temps. On peut donc définir la ré activité, « comportemantalement » et  « neurologiquement », mais pas encore la conscience
La vision de l'œil en est l'exemple: couleurs, distances, formes... nous ne faisons qu'y réagir.
La conscience n'est donc pas « la somme de l'intégralité des processus mentaux de l'instant » comme l'a décrit Titchener.

On croit qu'avoir conscience de chose c'est le conscience, alors que ce n'est qu'une petite partie.
Exemple du piano :
c'est un ensemble de tâches très variées, lecture de la partition et expression des deux mains parfois avec un rythme différent. Bien sûr la conscience a été nécessaire pour apprendre cet ensemble complexe, mais la performance artistique tend plutôt à décrire une présence différente. L'artiste peut se voir à la 3ème personne ou être quelqu'un d'autre quand il réalise son art.
De même, le sprinter n'a conscience de sa performance que par rapport à ses concurrents, mais ile ne peut être conscient de mettre un pied devant l'autre au risque de chuter. Le pianiste, lui aussi, sortirait de sa « transes » artistique.

On a pas conscience de comment on est assis, où sont nos mains pendant qu'on lit, pas plus que des mots, de la syntaxe ou de la ponctuation... tant qu'on ne nous le fait pas remarquer.

Lorsque l'on entend, les sons se transforment en mots, en phrases, et ses phrases disparaissent dans ce qu'elles essayent de dire, dans le sens. Être conscient des éléments d'un discours c'est donc en détruire l'intention. Il en est de même pour l'expression, si l'on essaye d'être conscient de son articulation, on arrête de parler. On est pas non plus conscient quand on écrit.

 

La conscience n'est pas une copie de l'expérience

John Locke : « un aspect de la conscience serait l'enregistrement de notre mémoire. On y a accès par introspection. »

Votre porte s'ouvre-t-elle à gauche ou à droite ? Quel est votre 2ème plus long doigt ? Au feu, c'est le vert ou le rouge qui est le plus haut ? Combien de dents voyez-vous quand vous vous brossez les dents ?
Si on change quelque chose dans l'environnement de ces choses, vous vous direz que vous le saviez, mais pas consciemment. On ne peut en effet se rappeler que d'une infime partie des immenses océans de nos connaissances.

Par introspection au delà de la matière, ne vous êtes-vous jamais demandé dans ces situations là ce qui devait être là ? Utilisant des idées et un raisonnement plutôt qu'aucune image ?
La rétrospection consciente n'est pas le rappel d'images, mais le rappel de ce dont vous avez été conscient auparavant et la ré-assimilation de ces éléments en de rationnels et plausibles modèles.

Une autre démonstration :
Rappelez-vous quand vous êtes rentré(e) dans cette pièce, quand vous avez pris ce livres (ou ouvert votre ordinateur) pour lire. Vous obtenez alors des images de vous faisant des choses, choses que vous n'aviez finalement jamais expérimentée sous cette forme.
De même pour les sensations tactiles, les bruits, les odeurs, vous avez créé des éléments (naratisation) de ce à quoi cette expérience aurait du ressembler plutôt que ce qu'elle a effectivement été. (ex : un nageur se voit nager → il s'imagine nager)
On se voit comme les autres pourraient nous voir, de façon subjective.

La conscience n'est pas nécessaire pour les concepts

Définition : différentes expériences conscientes concrètes se rapprochent par leurs similarités en des concepts.
Max Muller : Qui peut voir un arbre ? Personne. On voit un sapin, un chêne, un pommier. « Arbre » est donc un concept qui ne peut être vu ou perçu par les sens.

Les concepts sont simplement des classements d'équivalences comportementales. Les concepts de base sont antérieurs à l'expérience (~instinct)
Ils sont fondamentaux aux structures qui permettent le comportement.

Ce qu'aurait dû dire Muller est que personne n'est conscient d'un arbre.

La conscience n'est pas la compilation de nos concepts. Être conscient d'un arbre c'est en fait être conscient d'un certain arbre, d'un mot fait de concepts.
En fait, l'une des fonction principale du langage et de l'écriture est de conceptualiser. Et nous devons faire cela car les concepts ne sont pas inscrits dans la conscience.

 

La conscience n'est pas nécessaire à l'apprentissage

Pour les psychologues associationnistes l'apprentissage est une affaire d'idées regroupées par similarité, contiguïté ou d'autres relation, dans la conscience.
La conscience serait donc indispensable à l'apprentissage.

L'étude en laboratoire de l'apprentissage se fait généralement sur 3 choses : l'apprentissage des signes, des aptitudes et des solutions.

  1. Les signes
    Réflexe de Pavlov : une lumière suivie d'un souffle qui fait fermé par réflexe l'œil, s'il est répété plusieurs fois, l'individu va inconsciemment fermer l'œil à l'apparition de la lumière.
    Le sujet à donc appris.

    Il en va de même une musique que l'on associe à de la nourriture, si on l'entend, on se met à saliver.
    Si l'on connait ce phénomène à l'avance et que l'on essaye d'être conscient du lien entre la musique et la nourriture, alors l'apprentissage ne se produit pas.

    La conscience semble réduire nos aptitudes d'apprentissage de ce type.

  2. Les aptitudes
    ex : mettez une pièces dans chaque main et essayez de les lancer pour les rattraper dans l'autre main en les faisant se croiser en l'air. Répétez cet exercice une dizaine de fois pour apprendre. Vous vous rendez alors compte que l'apprentissage semble plus organique que conscient.
    La conscience vous donne la chose à faire et le but à atteindre mais semble ne pas être engagées dans l'apprentissage. Il se fait pour vous sans que vous en ayez conscience.

    La conscience semble même entraver l'apprentissage. Être moins conscient rend l'apprentissage plus doux et efficace. On utilise le système « d'entrainement négatif » pour intégrer certaines aptitudes complexes comme taper à la machine. (ex : taper HTE pour THE) cad qu'on pratique l'erreur faite, pour apprendre à taper correctement le mot.
    Suivre un mouvement complexe ou agir par l'intermédiaire du reflet d'un miroir se fait moins bien si le sujet s'efforce de se concentrer et de penser à ce qu'il fait.
    Ex : l'archer doit se vider l'esprit et imaginer être la flèche, puis laisser son doigt le libérer au bon moment.

  3. Les solutions (apprentissage instrumentalisé ou conditionnement opérant)
    La conscience prend une place importante dans l'acquisition de la solution d'un problème mais elle n'est pas indispensable.
    Ex : demandez à une personne de s'asseoir en face de vous et de vous dire des mots que vous écrierez avec assez de temps entre les mots pour que vous les notiez et répondiez par des « bien », « ok », « mmm hmmm » à chaque mot au pluriel. La personne vous donnera alors de plus en plus de mots pluriels et n'aura pas conscience qu'elle cherche un moyen d'augmenter vos encouragements ou, sa solution au problème.

    Et ce n'est pas que verbal. Dans une école, on de mande de complimenter les filles qui s'habillent en rouge. En quelque jours on se rend compte une explosion de rouge à la cafet' !
    Des étudiants voulant se venger décident de l'expérimenter sur les professeurs en étant plus attentifs et intéressés quand ceux-ci se trouvent d'un côté du tableau que de l'autre. Les prof finiront par passer plus de temps pendant leur cours sur ce côté.

    On solutionne donc inconsciemment des problèmes.

La conscience n'est pas nécessaire dans l'apprentissage des signes, des aptitudes et des solutions.
L'ancienne doctrine, que l'expérience consciente serait la base de tout apprentissage, est donc fausse.
On peut donc en conclure qu'il est possible que l'être humain non-conscient puisse apprendre et résoudre des problèmes.

La conscience n'est pas nécessaire à la pensée

Exemple simpliste : deux objets de poids différent, on demande à une personne d'être attentive quand elle les prend (ex : 2 verres remplis d'eau). La personne sent la texture, ses doigts serrer légèrement le verre, peut être la fraicheur, etc … A la fin de l'expérience, l'individu sait que les objets sont différents mais elle n'a pas été consciente de ce jugement porté. Il lui est venu tout seul.

Le jugement qui semble être la marque même de la conscience n'existe en fait pas du tout dans la conscience.

D'autres ont essayé de contredire cette expérience de Marbe (1901) mais la pensée semblait toujours ne pas être consciente. La pensée vient avant que l'on en est conscience.

On vous demande quelle est la figure suivante. Si vous cherchez comment vous l'avez trouvée, en évitant d'imaginer ce que vous avez pu faire, mais juste en le retrouvant dans votre mémoire, tout ce dont vous avez été conscient a été la struction, les figures avant et la solution.

Struction : somme de l'instruction et de la construction

La pensée n'est pas le cœur même de la conscience, elle n'est pas consciente du tout, et seuls sa préparation, sa substance et son résultat final sont consciemment perçus.

 

La conscience n'est pas nécessaire à la raison

Raison et logique sont intimement liées.
Raison : gamme de processus naturels de pensées dans le monde de tous les jours.
Logique : comment nous devrions penser si la vérité objective est notre but.
La logique est la science de la justification de conclusions que nous avons atteinte par raisonnement naturel.
Postulat : Pour avoir ce raisonnement naturel, la conscience n'est pas nécessaire.
Si nous avons besoin de la logique, c'est que la plupart de nos raisonnements ne sont pas conscients.

Ex : un enfant qui voit flotter un bout de bois, puis un deuxième, puis un troisième sur un étang sait que ça le fera aussi sur un autre étang. C'est un processus commun à tous les grands vertébrés.

Cela fonctionne aussi pour de plus complexes raisonnements. Notre pensée va plus vite que notre conscience nous le permet.
On établit fréquemment des affirmations basées sur nos expériences passées de façon automatique. Combien de fois n'arrivons-nous pas à une conclusion en entendant un son sans savoir le justifier ? Résonner n'est pas conscient.

Considérez également comment nous raisonnons à propos des sentiments et des personnalités des autres, ou de la raison de leur comportement. La conscience n'est alors pas seulement non-nécessaire, mais peut également entraver le processus.

On se dit que ça ne peut pas être vrai pour les grands raisonnements humains, mes mathématiques, le business, etc …
Alors que la plupart des génies et des grands théoriciens se sont toujours étonnés de voir leur éclair de génie venir au beau milieu d'un moment où ils ne s'efforçaient justement pas de se concentrer sur leurs recherches. Sous la douche, dans le lit, en se rasant, lors d'une sortie en nature ou dans le bus.

Ces travaux se déclines en plusieurs étapes :

  1. préparation : le problème est retourné consciemment dans tous les sens

  2. Incubation : sans aucun concentration consciente sur le problème

  3. l'illumination qui sera ensuite justifié par la logique

Le parallèle avec les expériences des différences de poids entre les verres d'eau ou encore les ronds et les triangles est évident.
Il apparaît même que le problème doit être oublié pour être résolu.

 

La localisation de la conscience

C'est un peu le coup de grâce à ce que tout le monde pense sur : « Où se trouve la conscience ? »
Tout le monde répondrait « dans la tête un espace intérieur derrière les yeux »
Mais qu'entend-on par « le regard » ?
En fermant les yeux, on paraît même introspecter plus clairement. Mais sur quoi ?
Ce caractère spatial semble inquestionable... D'autant plus qu'on semble bouger, ou regarder dans diverses directions à ce moment là. Et, si on s'efforçait trop intensément de définir davantage cet espace, on finirait pas sentir comme une irritation, comme si c'était quelque chose qui ne voulait pas être connu, comme une qualité qu'il serait ingrat de questionner, comme une impolitesse dans un lieux de respect.

On accepte également que cela soit présent dans la tête des autres (ex : se regarder intensément dans les yeux avec un ami)

On sait tous très bien qu'il n'existe pas de tel espace cet endroit. Il n'y a rien d'autre dans un crâne que des tissus psychologiques d'une certaine sorte ou d'un autre !

On pourrait aussi bien imaginer que notre conscience se trouve dans le coin de la pièce en face de nous sans que cela nous empêche d'être (cf certains troublent chez des patients)

La conscience est-elle nécessaire

Nous sommes arrivés à la conclusion que la conscience n'est pas ce que l'on croit communément.
Elle ne doit pas être confondue avec la réactivité.
Elle n'est pas indispensable à tout un tas de phénomènes perceptibles.
Elle n'est pas indispensable à la performance des aptitudes et souvent en entrave l'exécution.
Elle n'est pas indispensable à la parole, l'écriture, l'écoute ou la lecture.
Elle ne recopie pas l'expérience comme beaucoup le croient.
La conscience n'est absolument pas nécessaire à l'apprentissage des signes, des aptitudes et des solutions qui peuvent s'en passer.
Elle n'est pas nécessaire pour porter un jugement ou de simples pensées.
Elle n'est pas le siège de la raison et certains cas les plus difficiles de raisonnement créatif arrivent sans aucune attention consciente.
Elle n'a pas d'autre localisation qu'un endroit imaginaire !
Par conséquent, existe-t-elle seulement ?

Il est donc possible qu'il ait pu exister une race d'hommes qui parlaient, jugeaient, raisonnaient, résolvaient des problèmes et effectivement faisaient la plupart des choses qui sont les nôtres mais qui n'étaient pas conscients du tout.
Il est nécessaire d'avoir compris cela pour aller plus avant dans ce livre.